Bienvenue en 2022 ?

“Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ” Dante, La Divine comédie (Enfer, chant I)

Alors que la situation sanitaire semblait s’améliorer dans les derniers mois de l’année, la déferlante Omicron a finalement battu en brà¨che les dernià¨res espérances de « retour vers la vie d’avant ». 2022 s’ouvre donc sur un front sanitaire résolument dégradé, faisant planer le spectre de nouvelles restrictions en tous genres, au premier rang desquelles une fermeture des frontià¨res. Certains pays y ont déjà  eu recours tandis que d’autres s’interrogent. Un climat anxiogà¨ne alourdi par une conjoncture internationale loin de respirer la sérénité, la possibilité d’un conflit sino-américain en cas d’agression militaire de Taà¯wan par la Chine commenà§ant à  poindre dans les cénacles diplomatiques. De là  à  imaginer « une nouvelle guerre froide » sans les considérations idéologiques prévalant, à  l’époque, entre les à‰tats-Unis et l’URSS ? La thà¨se qui pourrait paraà®tre farfelue de prime abord prend de l’épaisseur au regard du durcissement de politique chinoise, depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping en 2012. Une décade qui a vu le renforcement du contrà´le de la population ““ facilité, il est vrai, par la pandémie de COVID-19 ““ le pouvoir central chinois saisissant au vol ce prétexte. Sans oublier l’anéantissement de la « révolution des parapluies » à  Hong Kong, muselant toutes contestations. Un sentiment de toute-puissance qui pourrait, dans un avenir proche, mettre le feu aux poudres. Un nouveau rapport de force au sein duquel chacun serait sommé de choisir son camp. Cà´té COP26 pas de meilleures nouvelles puisque Vladimir Poutine, Jair Bolsonaro et Xi Jinping (toujours lui) ““ dont la contribution à  la protection de l’atmosphà¨re et l’implication dans la lutte contre le changement climatique est sujette à  caution ““ ont littéralement snobé la grand-messe du climat qui n’a finalement rien auguré de trà¨s optimiste. Ainsi, selon les projections du GIEC, le seuil des 1,5°C devrait être dépassé dà¨s les années 2030-2040. Autant dire que l’espoir de demeurer sous les +1, 5°C à  l’horizon 2100 est infinitésimal. Sans parler de l’absence totale de référence à  l’élimination des investissements dans les énergies fossiles et, surtout, l’impérieuse nécessité au regard d’une situation climatique en déliquescence, d’éliminer totalement l’usage du charbon. Seule sa « réduction progressive » ““ une dénomination qui a le mérite d’entretenir le flou aussi bien sur les moyens d’y parvenir que sur le calendrier ““ a été évoquée. Le poids de gros pays producteurs d’énergies fossiles comme la Chine ““ encore ““ la Russie, la Turquie, l’Inde (où 70 % de l’électricité nationale provient du charbon) a tué dans l’oeuf cette possibilité. L’Australie a également pesé de tout son poids pour faire échouer le processus. Le sénateur australien Matthew Canavan, rompu aux joutes sur la question et ouvertement climato-sceptique, s’en est félicité, considérant que « le feu vert pour davantage de production de charbon » est essentiel pour « l’accà¨s des plus pauvres à  une énergie bon marché ». Fin de citation. Le mot de la fin ? Alok Sharma, dévasté par l’émotion, en larmes, se déclarant « profondément désolé » devant le contenu du texte final. Un « concert d’effusions » au sein duquel Antà³nio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a également joué sa partition. S’il est parvenu à  contenir sa peine, la colà¨re, couplée à  l’impuissance, était également palpable, ce dernier fustigeant « le manque de volonté politique » pour dépasser les contradictions entre les intérêts individuels des pays à  court terme et la lutte contre le réchauffement climatique, celle-ci étant, par essence, un combat de longue haleine. La bonne volonté et les actions symboliques des jeunes militants issus de la société civile n’ont pas pesé bien lourd face aux intérêts particuliers de certains à‰tats jouissant d’un sentiment d’impunité au regard de leur toute-puissance. Coutumià¨re des punchlines cinglantes, Greta Thunberg n’a pu que constater des «promesses creuses issues de trente années de bla-bla»: pour une fois, donnons raison à  une formule qui pourrait déjà  faire office de résumé de l’accord de Glasgow. Finalement, le principal point de blocage à  la protection de la Planà¨te tient sans doute au principe du consensus, qui impose qu’il n’y ait « pas d’opposition exprimée » : on touche là  aux limites de l’exercice démocratique de la négociation multipartite…

Illustration : Gustave Doré, planche n°7, extrait de « L’Enfer » de Dante, 1857

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